top of page

Le syndrome du sauveur


Dès la première et deuxième année de la vie, l’enfant commence à se préoccuper pour son environnement et le manifeste par des expressions vocales et faciales.

Les comportements (pro)sociaux, d’empathie et de sympathie s’expriment très tôt dans le développement des individus. Le syndrome du sauveur serait un comportement mal adaptatif, une forme d’excès de préoccupations pour les autres au détriment de soi et se manifeste souvent chez les enfants ayant grandi dans des familles dysfonctionnelles.


Il n’est pas toujours évident de définir ce qu’est une famille dysfonctionnelle, il y a différents degrés de toxicité. Pour simplifier, une famille dysfonctionnelle offre un environnement chaotique, insécure entrainant chez enfant un stress chronique et une obligation de réagir à l’instinct face à la « menace » perçue. La menace apparait lorsque l’enfant vit des maltraitances physiques ou psychiques, est témoin de violences conjugales, est négligé, vit un drame, est dans une situation d’instabilité, grandit avec des parents ayant des addictions, dépendants affectifs, narcissiques ou des troubles psychiques…


Le système nerveux sympathique, lorsqu’il y a une perception de la menace (physique ou psychologique), enclenche un comportement de survie : le combat, la sidération ou la fuite pour éviter le danger ou le combattre et ainsi augmenter ses chances de survie. La peur de l’abandon ou du rejet peut être perçue par le système nerveux sympathique comme une menace réelle pour l’intégrité de l’individu. Le cerveau ne fait pas vraiment la différence entre une menace réelle ou perçue. Ces dernières décennies ont vu émerger une nouvelle compréhension d’un mécanisme mal adaptatif du comportement chez certaines personnes ayant vécu des traumatismes dans leur enfance. Pete Walker a été l’un des pionniers à évoquer le syndrome du sauveur comme stratégie de survie psychique.


Avant tout, les enfants développant le syndrome du sauveur veulent s’assurer d’être aimés, d’être importants, de faire partie d’un groupe. En donnant et se mettant au service de leurs parents, familles, proches, communautés, ils pensent avoir un contrôle et éviter de vivre l’abandon, le rejet et la douleur de ne pas être inclus et considérés.


Pour survivre aux traumatismes et blessures issus de la toxicité familiale, certains enfants adoptent la stratégie de complaisance et de soumission à leur système. Ces enfants apprennent précocement à donner ce que les autres veulent, à se soumettre au désir d’autrui, à anticiper leur besoin pour apaiser leur anxiété, sentiment ou la menace réelle. Face à des parents instables, pour recevoir amour, attention, l’enfant se met à adopter cette stratégie de servitude. Il teste les comportements les plus efficaces, étouffe ses besoin et devient le parfait petit soldat de ses parents. Peu à peu, cette tendance à la servitude devient une part dominante de la personnalité de l’enfant.


Les caractéristiques du « sauveur » :


· Peur de déranger.

· Cherche des solutions sans qu’on lui demande.

· Devient l’assistant, le thérapeute, le médecin de son entourage.

· Punchingball désigné de la famille.

· Surcharge mentale et physique.

· Développe une hypersensibilité importante et une capacité à décrypter rapidement les émotions et tensions autour de lui, développe une vision aiguë de l’environnement pour mieux s’y assujettir.

· Intègre que le bonheur et stabilité des autres est de sa responsabilité.

· Fatigue chronique.

· Besoin d’être nécessaire, utile, de se mettre au service des autres.

· Cible sa valeur sur le feedback des autres.

· Besoin constant de validation.

· Se sacrifie jusqu’à la servitude.

· Excès d’empathie.

· Perfectionnisme pour fuir l’environnement émotionnel chaotique, il développe une forme d’obsession pour des tâches liées au travail, à école, pour prouver ses capacités de réussite.

· Sidération et cherche à devenir invisible.

· Développement du « faux self » : porte un masque, fait semblant d’aller bien, manque d’authenticité qui le mène souvent vers un sentiment de colère et honte de soi pour son comportement de servitude.

· Négligence de ses besoins.

· Déception par le manque de reconnaissance de ses sacrifices.

· Hypersensibilité, se sent submergé par les émotions.

· Solitude et sentiment d’être incompris.

· Difficulté à demander de l’aide.

· Culpabilité lors des tentatives d’affirmation.

· Incapacité à se placer en priorité.

· Négation de soi-même (valorise et expose que la partie « gentille » du soi et n’accepte pas la part qui peut déplaire aux autres).


A l’âge adulte


L’adulte qui endosse le rôle de sauveur confond bienveillance et servitude et se laisse exclusivement guider par les besoins des autres. Il ne reconnait pas ou très peu ses propres besoins et limites. Il n’a pas eu l’opportunité de pouvoir exprimer et développer son identité propre et développe une aversion pour le conflit. Il n’arrive pas à marquer son refus, est excessivement gentil, souvent stressé, et il se justifie beaucoup. Il a intégré qu’il est nécessaire d’être docile et a appris à valoriser les opinions des autres sur lui-même plutôt que les siennes. Cela entraine une fracture en lui qui le poursuit à l’âge adulte. Il joue perpétuellement le rôle de cet enfant qui cherche à satisfaire et s’occuper des autres pour recevoir cet amour en intégrant l’idée que l’amour est conditionnel.


Son comportement mal adaptatif envoie un signal négatif de faiblesse et soumission, suscite le manque de considération et le place comme un acquis. Il attire ainsi les personnes malveillantes, manipulatrices et narcissiques qui décèlent très rapidement sa faille narcissique et son faux self. Sa mentalité cultive la dépression, la honte, la culpabilité, son estime de soi faible et sa dépendance à l’approbation d’autrui.


En couple, il se mettra au service de son partenaire jusqu’à l’épuisement surtout s’il est manipulateur ou narcissique, il vivra dans l’insatisfaction, la frustration de ne pas pouvoir s’épanouir et s’attend à ce que son partenaire ait les mêmes pensées et attentes implicites que lui. Si son partenaire est un sauveur comme lui, il vivra une relation qui manque cruellement de profondeur, d’authenticité, n’apprendra pas à s’exprimer et à surmonter ses émotions même les plus difficiles à gérer. Il restera coincé dans son comportement infantile de servitude à l’adulte sauf qu’il l’adaptera à son partenaire. Les couples de sauveurs cherchent inconsciemment à contrôler l’amour en s’assurant que l’autre ne les quittera pas mais ne seront pas aimés pour ce qu’ils sont authentiquement mais pour leur faux self, pour le personnage qu’ils jouent et leurs comportements de servitude. Ce sont des relations douloureuses, inconfortables, non équilibrées, entrainant un sentiment de vide et qui finissent souvent par s’autodétruire.


Sortir du syndrome du sauveur ?


La compassion de soi

Si vous reconnaissez souffrir de dépendance relationnelle, d’excès d’empathie et donc du syndrome du sauveur, il est primordiale de développer de la compassion pour vous-même car vous avez une addiction à la relation et une compulsion au besoin de plaire aux autres. Comme toutes les personnes souffrant d’addictions, votre soif de recherche de votre produit est irrésistible et le sevrage est douloureux.


Questionner ses comportements

Posez-vous les bonnes questions : Pour quelles raisons continuez-vous à compromettre votre intégrité ? Demandez-vous pourquoi vous cherchez à ce point à satisfaire les autres ? Pensez-vous que c’est un moyen pour éviter les conflits et les reproches ? Pour apaiser des tensions ? De contrôler l’amour et la présence des autres?


Apprendre à mettre des limites

Le point commun entre toutes les personnes hyper empathiques et porteuses du syndrome du sauveur est l’absence de mise de limites avec l’environnement. Il est important de reconnaitre les relations abusives et de comprendre qu’elles ne se résolvent pas par l’évitement des conflits et le désamorçage des disputes. Il y a des relations qui n’apporteront jamais la reconnaissance attendue. L’hypersensibilité du sauveur le pousse à faire des sacrifices pour éviter les tensions, à porter les responsabilités et à être trop autocritique et soumis à sa critique intérieure. Le sauveur ne pense pas qu’il se sacrifie car il n’a pas appris à reconnaitre, poser et respecter ses limites.


Apprendre à identifier et faire des choix

Aujourd’hui vous avez le choix. Le changement passera par l’exercice et la réussite de nouvelles actions. Vous pouvez par exemple commencer par : apprendre à dire non d’abord sur des petites choses ; oser demander des choses dont vous avez besoin ; exprimer vos refus par écrit ; vous exercer dans des situations banales (restaurant, service client, administration, …) ; refuser des invitations des personnes les moins proches et chez qui vous n’avez pas envie d’aller.


La prise de conscience permet de comprendre votre comportement, ses conséquences et les racines des sentiments d’insatisfaction, de dépression, ou autres émotions désagréables que vous avez pu ressentir. Comprendre vos besoins et les conséquences de leur non-respect sur vous-même vous aidera à faire des choix.


Se préparer à changer son mode de pensé

Face aux menaces perçues, vous auriez pu développer d’autres stratégies comme répondre par la force, l’agressivité, la domination, la perversion etc. Vous avez inconsciemment choisi la soumission et le sacrifice comme mécanisme de survie et ce n’est pas de votre faute.

Pour guérir, le cerveau a besoin de stratégies de déconditionnement, de patience, de bienveillance, de volonté, de persévérance, de traverser l’inconfort de changer d’idée sur ses responsabilités réelles, de rompre avec le sentiment d’égoïsme et la culpabilité de «laisser tomber» tout le monde. Le temps est venu de vous choisir, de vous placer en priorité, de jouir de votre liberté et de persévérer car c’est vous que vous sauvez de l’épuisement, de la dépression, de la souffrance liée au port du faux self et du manque d’authenticité.


Se préparer à une solitude

Certaines personnes sortiront de votre vie, celles qui avaient l’habitude d’exploiter cet excès d’empathie. Il est probable que vous allez identifier que votre mode de fonctionnement vous a poussé à côtoyer et satisfaire de nombreuses personnes qui ne vous correspondent plus. De plus, vous aurez besoin de temps calme et solitaire pour pouvoir vivre vos émotions, vous connecter à vos pensées et vous reposer de toutes les tensions que ce travail psychique peut entrainer et relâcher.


Enfin, la libération de ce schéma est progressive mais possible. Elle passe par la prise de conscience de votre addiction, du manque d’amour pour vous-même, par les choix que vous ferez désormais pour vous, par la bonne gestion de votre temps, de votre énergie et de vos ressources et la réalisation de toutes les choses qui vous tiennent à cœur.


Nawal Uariachi

Comments


bottom of page